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VERTU, EUX ROLAND >
MINISTRE DE L’INTÉRIEUR,
'A tous les Départements du Royaume.
Paris, le la Juin ■t7S)a, l’An'lV de la Libertés
I t faut affermir notre Constitntion, î ü
faut la faire aimer. C’est à vous , Messieurs ,
qu’il importe , c’est à vous quil ^ppar lem
df parvenir à ce but. Je vais vous ouvriE
mon cœur : puissé-je par cette confiance ,
vous laisser convaincus ! comme |e le sms
moi-même, de la nécessité des mesures que je
''“La'’Sst‘itutlon est faite pour le bonheur
des François : elle doit donc etre respectée ,
chérie , et observée sans restriction. Cependant
il est encore quelques Departements , dou
Eo^ me mandi que les loix ne reçoivent que
très- difficilement leur exécution , ou meme
elles excitent des insurrections^, lorsque le^
Corps administratifs déploient la force pouü
obtenir l’ obéissance. r • *
En cherchant la cause de celte résistance ,
l’ai cru l’apercevoir dans le secret , .
mystère , dont s’enveloppent dés Cotps admi^.
-,S ‘
nistratifs. C’est du mystère que naît la. crainte
la défiance ; et la défiance , à son tour , appelle
les murmures et l’insubordination.
Que les administrations de Département ,
de district , que les Municipalités , donnent de
ia publicité à leurs séances ; qu’elles traitent ,
les intérêts dont elles sont chargées , en présence
des administrés ; que leurs délibérations soient
toujüurs le résultat d’une discussion publique :
et dès-lors , toutes les administrations se verront
entourées de confiance; et la Loi, de citoyens
aussi prompts à lui obéir , qu’ardents à la
défendre.
La publicité a le doüble avantage de main-
tenir les Directoires et les Municipalités dans
une grande activité ; d’empêcher , ou au moins
de ralentir , l’effet de cette tendance que , les
hommes réunis en corps distincts de la masse ,
ont à se former un esprit particulier , trop sou-
vent opposé à l’esprit public. L’oeil surveillant
de l’universalité des citoyens , retient , à chaque
moment , cette contention réciproque , de corps
à corps , d’individu à individu ; et les oblige
de porter toute leur attention sur les affaires
générales : il est impossible alors que les ad-
ministrés ne chérissent la Loi , puisqu’ils ne
sauroient refuser leur estime et leur confiance
à ses organes.
J’en appelle à vous seuls ,, Messieurs , pour
être juges d^ ma proposition. Je vous parlerai ,
d’abord , de l’administrateur qui délibéré dans
le secret : s’il est sans émulation , sans acti-
vité , il remplit ses devoirs avec nonchalance ;
ou s’il est aiguillonné , ce n’est que trop souvent
par des passions particulières.
V oyez , au contraire , l’homme agissant aux
ïegaras. du public, ; quelles impulsions reçoit
_ ( 3 )
son cœur î ses passions s’élèvent , et s’épurent;
de grands intérêts le dirigent , des vues plus
étendues s’offrent à son esprit , l’enthousiàsnië
le fait élancer dans les rdutes les plus diffi-
ciles ; les applaudissements qu’il reçoit , la re-
connoissance qu’il attend , redoublent ses efforts ,
et l’en rendent plus digne encore.
Comment ceux qui récoutent et qui sont
témoins de son zele , pourroient-ils refuser leur
assentiment ? à une administration , aux delibe-
rations de laquelle ils sont , pour ainsi dire ,
associés.
S’il pouvoir fester quelques doutes sur ^1 e-
vidence de ces principes , j’invoquerois 1 ex-
périence. Les Départements , les Districts , les
Municipalités , qui ont donne de la publicité
à leurs séances; vous diront que ce n est que
depuis cet instant que l’ordre , la paix , l’union ,
régnent parmi les administrés.
Des maux particuliers , viennent-ils fonare
sur un Département ? la sûreté publique y
est-elle compromise .? la rarete des subsistances ,
la cherté des grains , s’y font-elles sentir ? c’est
alors que la sollicitude paternelle des Corps
administratifs , vient puissamment combattie
ces malheurs et les adoucir. En ne dissimulant
rien , . en découvrant le danger , ^on appelle
îe courage. Dès-lors , plus d’inquiétude , plus
de soupçon , plus d’émeute. Donnez la con-
viction au peuple , qu’on ne veut pas ^ebranler
sa Constitution ^ ni le tromper ; il n’y a pas
de maux qui puissent lasser sa constance , il
n’y a pas de force qui puisse changer ses
résolutions. r • j
S’il est un moyen d’assurer l’execution des
loix sur la libre circulation des grains dans
le royaume ; de mettre ces loix sous la sauve-
A a
gar^e du peuple , en le convainquant de leur
sag6SS6 , l6ur n0C6SSit6 : C6 moyen découlé
de la publicité de vos deliberations.
C’est là que vous apprendrez à ce bon peuple ,
que le commerce des grains , lorsqu’il n’a
point d’entraves , se porte nécessairement ou
la consomrnation et les besoins l’appellent ,
que la cherté n’est souvent que le produit d’une
fausse terreur : et que , dans le cas où les be-
soins soient tels , qu’ils excedent^ la prévoyance
particulière des citoyens ; ils doivent se confier
a la sollicitude des représentants de la Nation ,
qui sauront y subvenir par des mesures gene-
rales , aussi promptes qu’efficaces. ^
Ces réflexions me conduisent à vous parler
de la demande de troupes de ligne , que me
font plusieurs Directoires de Départements ,
pour rétablir le bon ordre et la libre circulation
des grains dans leurs territoires.
Je vous dirai d’abord , que j’ai communi-
qué ces demandes au Ministre de la guerre ;
et qu’il m’a répondu : qu’étant oblige de porter
sur les frontières toutes les troupes de ligne ,
il ne pouvoit se rendre aux voeux des Direc-
toires j que si la force armee leur etoit abso-
lument nécessaire , il falloit recourir aux Gardes
nationales.
Mais dois-je , Messieurs , vous conseiller ce
dernier parti ? Tant qu on emploiera les armes
pour faire exécuter les Loix ; non-seulement on
prouvera qu’on n’a pas su les ^ faire aimer ,
mais qu’on n’y parviendra jamais.
On n’attache point , à ce que l’on rmid si
redoutable ; et l’amour , ne suit point 1 effroi.
Une Constitution qui ne se soutiendroit que par
les baïonnettes, ne seroit pas une Constitution:
il faut d’autres moyens pour attacher un peuple
,( 5 )
ÜLrô , auxlGÎx qu’il a faites; et ces moyens, vous
les avez en votre pouvoir. Délégués par le choix
de vos concitoyens pour administrer la chose
publique , vous devez donner a toutes les actions ,
à toutes les délibérations , qui ont rapport à des fonc-
tions si honorables , la plus grande publicité ; vous
devez , à ceux qui ont droit d’exiger que vous
travailliez à leur bonheur , de leur faire eonnoître
les moyens que vous employez. Vous ne devez
user , du droit de répression que la Loi a mis
dans vos mains , qu’avec la plus grande retenue.
Instruisez les administrations que vous surveillez;
et , si elles s’écartent de l’observation des réglés ,
employez à leur égard cette douceur , qui com-
mande si aisément la persuasion , ot qui amene
nécessairement le repentir d’un écart souvent
involontaire. Il est si facile a uny adrainiatr^t-
tion supérieure de se rendre agréable a celles
qu’elle a dans sa surveillance ; qu’en vente je
crois, pouvoir dire : que , c’est presque toujours
la faute des premières ; quand l’hannonie res-
pective est rompue au point de nécessiter de
l’éclat , et de causer de racharnement pour le
redressement des griefs dont elles peuvent avoir
à se plaindre. ^ .
En m’exprimant ainsi , Messieurs , je vous
présente le langage de la Loi , a qui vous devez
votre existence administrative : par- tout , la fra-
ternité,, la douceur, sont mises au premier rang
de vos devoirs ; c’est le triomphe d une Cons-
titution libre : il faut laisser aux tyrans , leur
orgueil et leurs chaînes. _ ^
Je reviens à la demande qui m’est faite par les
Directoires de Départements , de leur envoyer
des troupes de ligne. Et je_ crois , Messieurs ,
devoir vous dire : que les principales Municipa-
lités des Départements mêmes qui m’ont fait ces
demandes , loin de les appuyer , m’ont adressé
des réclamations absolument contraires ; et
cependant ce sont les Municipalités gue la Loi
charge spécialement et directement de veiller à
la tranquillité publique. Ce sont les Maire et
Officiers municipaux qui , dans les émeutes,
doivent se présenter en personne pour les ap-
paiser ou les dissiper : la Loi les soumet , à cet
égard , à une responsabilité à laquelle rien ne
sauroit les soustraire.
Mais , en même temps que je considéré les
rapports sous lesquels les Municipalités sont
tenues de maintenir la tranquillité publique , je
ne puis m’empêcher d’apercevoir les Admi-
nistrateiurs de Département et de District dans
une place infiniment moins périlleuse : et j’en
tire la conséquence , que , si les Municipalités ,
cette première magistrature du peuple , qui est
immédiatement chargée de veiller au maintien
de l’ordre , et dont la moindre négligence ,
dans ces cas , est punie par la Loi , ne témoignent
aucun besoin de troupes de ligne ; les Adminis-
trations supérieures , qui n’ont que des Arrêtés
à prendre dans le silence de leurs paisibles
Directoires , peuvent encore moins souffrir de
la privation d’une force armée.
Je pense donc qu’il faut laisser nos troupes
sur les frontières , oh elles ont des services plus
importants à rendre à la patrie : et je vous
invite , Messieurs , à mettre en usage , auprès de
vos administrés , des armes bien plus puissantes ,
celles de la persuasion ; parce que , encore une
fois , l’obéissance qui est arrachée par la
terreur , ne peut pas convenir à un peuple libre ;
dès qu’elle est forcée , elle est nécessairement
passagère , et ne fait que précéder de fâcheuses
agitations.
{ 7 )
Vous éprouverez , Messieurs , les bienfaits de
cette morale politique , dans les moments sur-
tout où des calamités viendroient fondre sur vos
Départements. Que le premier moyen dont vous
fassiez' usage , soit une sollicitude toujours
douce , toujours paternelle : approchez-vous du
peuple avec les seules armes du patriotisme,
la publicité , la raison ; et vous verrez que sa
résignation et sa reconnoissance iront aussi loin
qu’il est possible de le désirer.
Il est un troisième objet sur lequel je crois
vous devoir aussi quelques observations ; c’est
sur les députations extraordinaires auprès de
l’Assemblée Nationale , envoyées par les Direc-
toires de Départements , de Districts , et par les
Conseils-Généraux des Communes : leur nombre
est si grand , les inconvénients qui en résultent
sont si graves , et m’ont tellement frappé , que
j’ai senti l’obligation d’en faire part à l’As-
semblée Nationale. Je lui ai dit ; que ces dépu-
tations avoient souvent pour objet des préten-
tions et des querelles de peu d’importance ;
qu’elles dégarnissoient sur-tourles Directoires,
dont les membres étoient tous nécessaires à
l’Administration , des sujets les plus laborieux
et les plus éclairés ; que ces Députés occa-
sionnoient de grands frais aux administrés :
qu’indépendamment de ce que les affaires qu’ils
traitoient, seroient plus promptement terminées^
par le seul moyen de la correspondance ; ces
envoyés faisoient perdre ici, aux Députés à
l’Assemblée Nationale et aux autres Fonc-
tionnaires publics , un temps précieux qui
pouvoir être plus utilement employé à la chose
publique. J’ai même ajouté que ces Députés
extraordinaires, ne transmettant, les faits ou les
( 8 ) _
«lécisions qu’ils viennent recueillir , qu’avec leurs
opinions , y mêloient quelqueiois des erreurs
propres à égarer leurs Commettants ; et j .ai tire
la conséquence , qu’il convenoit de les renvoyer
tous à leur poste , et de faire une Loi qui les
y retînt à l’avenir.
Je me persuade , Messieurs , que vous applau-
direz à mes vues : que vous conviendrez avec
moi., qu’il faut que chacun reste à sa^ place^: et
que , si , dans les premières^ années d’une révo-
lution , où tant de malveillants cherchent a
ébranler et à anéantir notre liberté naissante ;
ceux qui se sont présentés au peuple , et qui ont
été élus par lui en vertu de la Loi , pour être
ses défenseurs , désertent leur .poste , jamais la
Constitution’ ne, s’affermira.
J’ai cru , Messieurs , toutes ces observations
utiles , et j’ai dû vous les transmettre. Si tous
les Fonctionnaires publics , animes par le rneme
esprit , se rangent autour de la Constitution j
ouels seroient les téméraires qui oseroient cons-
pirer contre elle ? qui pourroit rompre ce fai-
sceau ? les efforts des ennemis de l’intérieur ,
de ceux du dehors , viendront se briser devant
cette sainte ligue , et ne pourront plus troubler
i’harmonie parmi les organes de la Loi.
Approchons-nous du peuple , àe ce peuple
généreux et libre ; qu’on ne calpmnie , que parce
qu’on ne le connoît pas ; qui ne s’égare , que
parce qu’on ne l’instruit pas. A p moindre inquié-
tude , courons à lui ; disons-lui avec fermete tout
ce qui est vrai : il est digne d’entendfe ce
langage , il respectera ses devoirs ; et , sans autre
levier que celui de la confiance, nous établirons
dans tout l’empire l’équilibre de la paix et la
soumission aux Loix. ^ ,
* Le Ministre, de l Intérieur.